L’économie de base des Algonquins combinait la chasse, la cueillette et des activités agricoles. Chaque activité a donné lieu à des chansons et parfois à des danses. Les Aînés qui ont transmis la culture d’autrefois disaient que ces chants et danses, si les gens les exécutaient correctement, assureraient le succès de leurs entreprises.
Par exemple, si on avait besoin de plus de pluie pour abreuver une récolte, un guérisseur respecté entonnait une chanson spéciale et exécutait la danse qui y était associée. On peut faire remonter l’une de ces pièces, la Danse de l’Homme-Pluie, à plus d’un siècle et à Femme-Castor, de la région d’Oga. La danse se déroulait autour du feu. (Gaultier de La Vérendrye, Juliette, coll. 1-A-160M; B325 F.4.)
Femme-Caribou-blanc a chanté cette chanson à Gaultier en 1948. Elle a dit que cette chanson était très puissante : « Quand l’été était sec, [ils] recueillaient des morceaux de “bois du tonnerre” sur un arbre frappé par la foudre, et ils en faisaient un feu. Ils dansaient pendant la moitié de la nuit et chantaient autour du feu, puis la pluie tombait. » (Gaultier de La Vérendrye, Juliette, coll. 1-A-160M; B325 F.4.)
Pour la culture du maïs
Les Algonquins installés les plus au sud, à la limite nord de l’aire de culture du maïs, avaient découvert un moyen de stimuler la croissance des jeunes pousses. Ils faisaient d’abord germer les graines dans un sac contenant de l’argile. Plus tard, ils plantaient les semis, lorsque ces derniers étaient assez fort pour survivre sans aide.
Lorsque le moment de la récolte arrivait, les Algonquins faisaient un énorme feu de camp. Ils dansaient autour du feu en se tenant la main. À certains moments, ils jetaient des épis de maïs dans le feu en chantant « Mettez-le là ». Après la cuisson du maïs, tout le monde prenait part au festin (Gaultier de La Vérendrye, Juliette, coll. 1-A-160M; B325 F.5.)
Les Algonquins ont toujours séché le maïs pour l’utiliser toute l’année. Gaultier raconte que Femme-Soleil s’assoyait près de son pikogan et moulait le maïs dans un mortier fait d’une pierre creusée. Elle pilait les grains avec une pierre pour faire de la farine. Femme-Soleil chantait tout au long de cette corvée (Gaultier de La Vérendrye, Juliette, coll. 1-A-160M; B325 F.1.)
Pour la chasse
Dans les terres algonquines, les gens ont longtemps chassé l’orignal, le lapin, le castor et le cerf, entre autres. Les histoires algonquines invitaient les gens à chasser avec sagesse.
Il était une fois deux hommes partis chasser l’orignal. En route, ils rencontrèrent deux orignaux, mais ceux-ci, en entendant les pas des chasseurs, s’enfuirent profondément dans les bois. Les deux chasseurs partirent à leur poursuite dans des directions différentes. S’éloignant trop de leur camp, ils se sont retrouvés séparés. Chacun des deux chasseurs réussit néanmoins à abattre un orignal. Cependant, comme ils n’avaient pas apporté leurs silex pour se frayer un chemin dans les bois, ils choisirent chacun un endroit différent pour passer la nuit.
Le premier trouva une souche creuse, dans laquelle il se faufila et s’endormit bien vite. L’autre chasseur, pas trop sage, commença à écorcher l’orignal qu’il avait abattu. Il s’enroula dans la peau non tannée et s’endormit. La peau se figea sur lui. Il ne pouvait plus se lever.
Deux jours plus tard, l’autre chasseur passa par hasard. Il trouva son ami congelé, son corps gisant raide à l’intérieur de la peau. « On ne doit jamais dormir à l’intérieur d’une peau d’orignal ou de cerf non tannée ou dans toute autre peau non tannée », dit Na-da-we-si, Iroquois-Oiseau. (Gaultier de La Vérendrye, Juliette, coll. 1-A-160M; B326 F.4.)
Parfois, une Chanson de la danse de l’orignal accompagne cette histoire. Gaultier a écrit l’air sur un morceau d’écorce de bouleau. Elle explique que les Algonquins sifflaient l’air ou en scandaient les syllabes au rythme d’un tambour. Chaque fois que la chanson se répétait, les chanteurs l’entonnaient un demi-ton plus haut (Gaultier de La Vérendrye, Juliette, coll. 1-A-160M; B326 F.4).
Quand les Algonquins chassaient le cerf, il arrivait qu’un huard ou un canard lance un cri plaintif pour avertir le chasseur que les cerfs étaient tout près. Les Algonquins avaient une chanson pour décrire cette situation. Ils fabriquaient des hochets avec des sabots de cerfs pour accompagner la chanson.
Ces hochets étaient constitués d’un cerceau fait avec des brindilles et de l’écorce de cèdre. On les ornait de sabots de cerfs, qui rendaient un léger son de cliquetis, particulièrement quand les gens interpréteraient la Chanson de la danse du cerf.
À la fin de novembre, les fantômes des cerfs apparaissaient pour danser autour des arbres. Les enfants algonquins et leurs parents allaient alors danser dans les bois. Ils jouaient à des jeux pour appeler les cerfs à l’aide des hochets. Ils chantaient une octave au-dessus de leur voix normale, sur un ton tremblant. Les chanteurs tenaient une main devant la bouche et se tapotaient légèrement les lèvres pour produire un son frémissant (Gaultier de La Vérendrye, Juliette, coll. 1-A-160M; B326 F.5.)
Les danseurs imitaient les pas des cerfs, en exécutant des mouvements du corps pour écarter les broussailles et les branches basses des arbres tout en pénétrant dans les bois en une file sinueuse (Jacob Wawatie, 2006, communication personnelle.)
Un chasseur de lapin et sa famille obtenaient de la chance s’ils chantaient la chanson du lapin et dansaient en cercle. Plus tard, à leur retour, ils chantaient et dansaient autour des lapins qui s’étaient sacrifiés pour nourrir la famille.
Les Algonquins ont utilisé cette chanson à différentes fins. Parfois, la chanson avait un tempo rapide, et un ou plusieurs tambours à main personnels l’accompagnaient. Cependant, la même mélodie servait de berceuse, quand le tempo était lent et que l’on ne frappait pas du tambour.
Cette chanson douce et lente représentait Femme-Soleil chantant à son enfant, à propos du lapin Wabo : « Maman s’en va chasser le lapin. Endors-toi mon petit. Le lapin dort toute la journée et sort la nuit. Dors, Maa-Ka-De-Mik-Ni-Ni (Garçon-Castor-noir) ». (Gaultier de La Vérendrye, Juliette, coll. 1-A-160M; B326 F.4.)
Ainsi, les danses au sujet de la nourriture et de la chasse ont toujours joué un rôle central. La nourriture, en tant que don du Créateur, a donné aux Algonquins des raisons de danser.